Fabriquer et vendre son électricité se fait de plus en plus
abrice Morestin, maître de conférences dans une école d'ingénieurs à Lyon, a fait placer 20 m2 de panneaux solaires sur le toit de son habitation principale, une ferme d'un village de l'Ain, récemment restaurée. Orientés sud-sud-est, les panneaux fournissent, en année pleine, 2 000 kilowattheures (kWh) qui, en partie revendus à EDF, permettent au propriétaire d'économiser, selon ses propres calculs, 820 euros par an. Un nombre croissant de particuliers décident d'équiper leur maison d'une installation photovoltaïque, qui transforme la lumière du soleil en énergie. "La production d'électricité photovoltaïque a progressé de 122 % entre 2005 et 2006 mais reste encore 50 fois inférieure à ce qu'elle est en Allemagne", indique Fabrice Juquois, expert à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
CRÉDIT D'IMPÔT
Le 1er juillet 2006, ce type d'investissement est devenu plus avantageux. L'équipement de la résidence principale donne droit à un crédit d'impôt de 50 % sur le coût du matériel. EDF est par ailleurs tenue de racheter l'électricité produite au prix de 30 centimes d'euro, auxquels s'ajoutent 25 centimes si l'installation est intégrée au bâtiment existant, par exemple sous forme de tuiles solaires.
Pour une surface de 20 m2 coûtant entre 15 000 et 20 000 euros (hors crédit d'impôt et subventions), un particulier peut espérer une rentabilité annuelle de 8 %. Le rendement dépend bien sûr de l'ensoleillement et de l'orientation des panneaux. Aujourd'hui, l'essentiel de la production, encouragée par des mesures spécifiques, continue de provenir des régions d'outre-mer et de Corse.
"Depuis deux mois toutefois, les demandes effectuées par les particuliers ont chuté, souligne Mélodie de l'Epine, chargée de mission à Hespul, une association qui promeut les énergies renouvelables. Le ministère des finances a publié le 8 mai un rescrit fiscal qui taxe l'électricité vendue à EDF à 19,6 % au lieu de 5,5 %." L'administration considère que les panneaux ne constituent plus un aménagement de la résidence principale puisque la production est destinée à être vendue.
La décision de Bercy, qui renchérit mathématiquement de 15 % l'investissement réalisé par les particuliers, résulte d'une "mécompréhension", estime M. Juquois, de l'Ademe, qui affiche "un bon espoir que la situation se règle prochainement".
Pour un particulier, la production d'électricité risque toutefois de rester une démarche fastidieuse. "Il y a quelques années, c'était aussi compliqué que d'installer un barrage sur le Rhône", témoigne Olivier David, chez Hespul. Aujourd'hui, le propriétaire doit encore contacter simultanément EDF, son distributeur ERD, différentes directions du ministère de l'industrie, la région ou la commune, lorsqu'elles accordent des subventions, ainsi que l'architecte des Bâtiments de France, qui interdit généralement la pose d'un équipement à moins de 500 mètres d'un site classé.
UN SERVICE SPÉCIFIQUE
Les installateurs proposent désormais aux particuliers d'effectuer l'ensemble des démarches. "Je fais une ou deux installations par mois. Entre le moment où j'étudie la proposition et la réalisation, les propriétaires doivent compter en moyenne six mois. Il leur en coûte, au total, subventions déduites, entre 16 000 et 17 000 euros", précise Christophe Bourgin, installateur spécialisé en énergies renouvelables.
EDF dispose désormais d'un service spécifique destiné aux particuliers producteurs. Les compagnies d'électricité n'ont pas toujours été aussi conciliantes. Ainsi, lorsqu'il a fait poser, en 2003, des panneaux sur sa maison en bois située à Neuwiller (Bas-Rhin), Gérard Konrath se souvient de l'attitude d'Electricité de Strasbourg, le distributeur local d'électricité. "Ils sont revenus deux ou trois fois en estimant que l'installation n'était pas conforme, se souvient-il. J'avais l'impression qu'ils se disaient : "Si tout le monde fait ça, à qui allons-nous vendre notre électricité ?""