En Europe, le répulsif "anti-jeunes" séduit ou inquiète

Publié le par ainsisoisje26

LE MONDE | 12.04.08 | 12h37 

Encourager ? Tolérer ? Interdire ? Les pouvoirs publics européens s'interrogent sur l'attitude à adopter face à l'installation de répulsifs "anti-jeunes", qui permettent d'éloigner les adolescents grâce à des ultrasons qu'eux seuls peuvent entendre. Alors que le Royaume-Uni fait preuve d'une grande tolérance, la France, la Belgique et les Pays-Bas critiquent le recours à de tels dispositifs, mais hésitent sur les modes de régulation. Selon le fabriquant, Compound Security Systems, quelque 5 000 appareils fonctionnent aujourd'hui dans le monde.

Tolérance britannique. Baptisé Mosquito ("moustique"), ce système a été mis au point par un ancien ingénieur britannique qui souhaitait mettre fin au harcèlement de sa fille par des jeunes gens. Plus de 3 500 boîtiers, vendus 495 livres la pièce (617 euros), ont été installés par des commerçants, la police, les municipalités, les opérateurs de trains, voire des particuliers, pour éviter les attroupements d'adolescents.

Le développement de ce répulsif a provoqué une vive polémique en février. Le commissaire à l'enfance, Al Aynsley-Green, a demandé l'interdiction de ces boîtiers "qui diabolisent les adolescents, peuvent pénaliser des innocents et portent atteinte aux droits de l'homme". La ministre de l'intérieur, Jacqui Smith, a défendu cette initiative au nom du combat contre les comportements antisociaux : "Nous soutiendrons toujours ceux qui respectent la loi, au détriment des bandes de voyous", a-t-elle affirmé.

Enquête aux Pays-Bas. Quelque 300 Mosquito (900 euros pièce) sont installés dans une soixantaine de municipalités des Pays-Bas. Les villes de Rotterdam, Nimègue et Utrecht affirment que leur utilisation aurait fait baisser la délinquance.

Au mois de février, des parlementaires ont interpellé le ministre de la jeunesse et de la famille, André Rouvoet. Ce dernier s'est interrogé sur la légalité d'une pratique qui pourrait contrevenir aux dispositions constitutionnelles sur le respect de la vie privée et de l'intégrité physique. Il a diligenté une enquête sur les avantages et les inconvénients du système, ainsi que sur ses effets éventuels sur la santé.

Pétition en Belgique. Un cas a défrayé la chronique en Belgique. Le gérant d'une banque d'Aywaille, en Wallonie, avait installé un Mosquito. Après des plaintes de parents dont les enfants souffraient de migraines, les autorités municipales ont ordonné l'enlèvement de l'appareil. Dans la foulée, des élus flamands d'Anvers ont envisagé l'installation de ces dispositifs avant d'y renoncer. De son côté, le ministre francophone de la jeunesse, Marc Tarabella, a demandé la saisine de la Commission européenne, conformément à la procédure "Ratex", qui permet de faire interdire un produit lorsque sa sécurité est douteuse.

La Commission a fait savoir qu'elle n'entendait pas intervenir. Au niveau fédéral, le ministre de l'intérieur a estimé que ce type d'appareils n'offrait pas "une solution correcte". Territoires de la mémoire, une association qui lutte contre les exclusions, a lancé une pétition contre le Mosquito, qui a recueilli 10 000 signatures.

Critiques françaises. Le marché français reste balbutiant. Selon le fabricant, une quarantaine d'appareils seulement ont été vendus en France depuis le lancement de la version française, commercialisée sous le nom de Beethoven (905 euros l'unité). La plupart des clients seraient de petites copropriétés désireuses de limiter des nuisances dues à des groupes de jeunes gens. "Depuis qu'il y a eu des débats sur le sujet, nous avons beaucoup plus de demandes qu'auparavant", note un porte-parole de la compagnie anglaise.

Le gouvernement français a critiqué ce dispositif. "Je souhaite qu'il soit purement et simplement interdit, quelle que soit la forme juridique que cela prenne", a affirmé Roselyne Bachelot, ministre de la santé. Le ministère du logement a aussi condamné le recours à ce matériel. "Nous travaillons pour essayer de mesurer l'ampleur du phénomène et identifier les organismes qui auraient passé commande, mais le recensement est compliqué", explique l'entourage de la ministre, Christine Boutin, sans envisager pour l'instant une éventuelle réglementation.

Luc Bronner, Marc Roche (à Londres) et Jean-Pierre Stroobants (à Bruxelles)

Publié dans Actus

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